
« Venir d’une mer », une nuit au Mucem à Marseille avec Belinda Cannone
Le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée est un musée national inauguré en 2013 alors que Marseille était sacrée ville européenne de la culture.
C’est ici que l’auteure, Belinda Cannone, a posé son sac et son lit de camp pour une nuit, tous feux éteints. Sicile, Corse, Tunisie, Marseille, elle vient des rives méditerranéennes. Comme un secret de famille. La France, c’est ici que nous vivons, mais d’où vient-on ? De l’eau vive. Il faut parfois faire le vide pour en appeler aux fantômes familiaux. Au vide et à la solitude. « Car dans la nuit au musée, la solitude est un ingrédient capital, non ? » Et ce musée, le Mucem, n’est pas choisi par hasard, mais bien parce qu’il est tourné vers l’ailleurs, vers la mer.

Modèle d’intégration, professeure, écrivaine, et cependant immigrée ou tout au moins, habitée par ce sentiment-là. Qui dit pays dit langage. La langue maternelle, traditionnellement dite « mamanais », cette voix mélodieuse au-dessus du berceau, devient ici la langue paternelle, celle qui a transmis les mots et le savoir. Ainsi surgit le père de Belinda Cannone dans ce récit. « Je le vois encore venir vers moi avec des mots comme des cadeaux ». En français, car ce père né italien tient farouchement à ce que sa descendance s’exprime remarquablement bien dans la langue de Molière. Se pose la question suivante : doit-on renier ses origines pour se fondre dans le paysage du pays d’accueil ? Ainsi, Racine a été pour elle une langue maternelle, un premier amour.
Seule la nuit dans ce musée ultra-contemporain, elle flâne sur la passerelle (le passeur ?), explore les salles, admire les installations, notamment celle de Mohamed El Khatib, Renault 12. La voiture qui, avec la 404, traversait la France jusqu’au Maghreb avec la famille au complet et les bagages. « Cette transhumance entre la France et le Maghreb ne me concerne pas. D’ailleurs, il n’y a pas eu vraiment de sentiment d’exil, dans ma famille ». Les lieux et les photos des années soixante font remonter les souvenirs, permettent à l’auteure de faire des associations libres. Et si c’était précisément cette nuit au musée qui servait de liant, de fil conducteur ?
Belinda Cannone, Venir d’une mer, Collection « Ma nuit au musée », éditions Stock, Paris, 192 pages ; 19.50 €
