Matthieu Niango, « le Fardeau » ou les fantômes des Lebensborn

Nancéien, agrégé de philo, normalien, Matthieu Niango vit et travaille à Paris. À la mort de sa grand-mère adorée, il apprend de la bouche de sa mère que cette dernière a été adoptée. Ce n’est pas banal, mais pas exceptionnel non plus.  D’où tient-elle cette beauté des pays de l’Est ? Elle est née le 11 octobre 1943 en Belgique, dans un Lebensborn (fontaine de vie) ou pouponnière nazie en Belgique. Une invention SS à Wégimont, baptisée « maternité des Ardennes ». C’est bien dans cette fabrique à aryens née de cerveaux allemands malades que Gisèle-Gizela voit le jour. Une longue enquête révèle qu’elle est la fille d’une ouvrière juive hongroise et d’un père officier SS. Entre Margit et Otto, il y aurait eu pourtant une histoire d’amour. Gisèle Marc s’appelle en réalité Gizela Sestura. Liée malgré elle au projet nazi. Elle, qui dans les années soixante-dix, épouse un homme ivoirien et donne naissance à des enfants métis. Il ne serait pas content, papa Hitler ! Le mélange des sangs était un crime de lèse-majesté chez les SS.

« Le grand-père SS, cela m’a atteint négativement » (Matthieu Niango, écrivain)

Ébranlé, Matthieu le petit-fils, essaie de comprendre les raisons de cet abandon à la naissance et de remettre une chronologie dans les faits. Et aussi de clarifier ce secret de famille inconscient. Dossiers de police, archives de Bruxelles, vingt ans de recherche seront nécessaires. Il n’y a rien comme point de départ. Celle qui a grandi dans la Meuse a brûlé naguère son dossier. Gisèle-Gizela, sa mère, a fait une école d’infirmières avant de devenir directrice de crèche. Comment peut-elle un jour aimer sa génitrice abandonnique, elle qui a tant chéri ses trois enfants et est devenue une grand-mère gâteau ? Et la reine mère symbolique à la tête d’une crèche ? Par ce livre-enquête qui se lit comme un roman d’aventures, Matthieu Niango souhaite rendre justice à ces victimes de la politique raciale allemande. Ils ne sont pas des orphelins de guerre, les bébés des Lebensborn, mais des fils et filles de nazis. Chapeau bas.

 

Matthieu Niango, Le Fardeau, Paris, Mialet-Barrault, 2025, 500 pages, 22 euros

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